Médiations

La médiation thérapeutique se définit comme une pratique consistant à proposer à des patients un atelier où le recours à un objet ou à une activité spécifique autour desquels va se construire l’atelier induisant la mobilisation de la souffrance psychique.

Le concept de médiation n’existe pas en soi : il s’agit d’une extension et d’un glissement de sens de la notion d’objet et de phénomènes transitionnels.

Nous devons le terme de Phénomène transitionnels à Donald WINNICOTT qui en donne une description à partir du concept d’objet transitionnel.

Comme le souligne cet auteur, l’objet représente la transition du petit enfant qui passe de l’état d’union fusionnelle avec la mère à l’état où il gère cette séparation par le biais d’un objet transitionnel. L’objet transitionnel permet ainsi le passage d’une position de toute puissance à une acceptation de la réalité de la séparation d’avec l’objet maternel.

Nous pourrions dire que l’objet de médiation cristallise et précipite la problématique du groupe et de chaque patient. Il est le point de rencontre ou s’amalgame et se différencie en même temps tous les niveaux d’intrications entre l’espace intra-psychique, l’inter-subjectivité, le groupe en tant qu’entité indépendante des membres qui le compose et les différents niveaux de transfert.

La médiation thérapeutique permet l’instauration d’une relation médiane vécue moins violente que la relation frontale en face-à-face.

Ce qui fait médiation c’est le lien patient-thérapeute par et en appui d’un objet par le détour duquel s’organise une formation intermédiaire dedans/dehors-Moi/Non-moi.

La médiation a un rôle de liant

Toute médiation interpose et rétablit un lien entre la force et le sens, entre la violence pulsionnelle qui peut faire effraction et une figuration qui contient et qui ouvre sur la voie vers la parole et vers l’échange symbolique. La médiation transforme l’espace intra-psychique (à l’intérieur du sujet) et inter-subjectif (entre les sujets du groupe). Dans le travail thérapeutique à médiation l’attention du ou des thérapeutes doit concerner la manière dont les liens se forment et se déforment, comment les liens sont attaqués et mis à l’épreuve.

Le rapport aux limites testé par le patient

La médiation inscrit le sujet dans le processus thérapeutique de transformation qui repose sur un cadre, en même temps qu’elle le nomme et le place par rapport à d’autres personnes : elle instaure ainsi un espace de délimitation. C’est ce rapport aux limites spatio-temporelles qui est convoqué dans le travail thérapeutique à médiation et qui sera « testé » par les patients. En ce sens elle s’oppose à une logique du « tout, tous ensemble tout le temps » . Elle introduit donc une rythmicité des présences-absences qui permet de soutenir une possibilité de séparation et de retrouvailles

Le différé indispensable à toute médiation

Toute médiation s’oppose à l’immédiat, dans l’espace et dans le temps. Elle implique le différé et la mise en latence par rapport à ce qui a été et est vécu. Elle permet de sortir de la confusion de l’origine et créé un écart spatio-temporel. Elle est un processus de défense contre la terreur de la violence de l’immédiat : elle se fait passage de l’un à l’autre. Ce différé se représente notamment dans l’utilisation du langage qui fait inter-position entre soi et l’autre et qui permet de donner une forme sonore aux représentations et de transmettre un sens qui induise des représentations chez le destinataire du message. En ce sens la médiation thérapeutique s’inscrit contre le mouvement spontané du « tout, tout de suite » .

Créer un cadre spatio-temporel

Toute médiation suppose un cadre spatio-temporel qui permet d’instaurer les préconditions du processus de transformation et d’un écart entre ce qui fut vécu et ce qui est ensuite raconté. La médiation thérapeutique permet de creuser une place pour chacun des membres du groupe. Elle créé du lien, de la continuité et de la discontinuité. Le cadre dispose d’une fonction d’invariant, de protecteur et de délimitateur. Le cadre est constitué par la pièce où sont reçus les patients mais aussi le thérapeute avec sa constance de position. Ce cadre pourra être repensé durant des temps de supervision qui vont permettre une re-dynamisation. Le cadre ne doit pas être hyper-rigide car mortifère, ni hyper-souple car il ne pourrait contenir les tentatives de subversion des règles imposées au départ. Dans un atelier à médiation le cadre de l’activité est souvent fermé ou semi-ouvert afin de permettre l’instauration d’une certaine rythmicité et régularité tant de la présence de chacun que de la pérennité des éléments qui sont déposés dans le groupe. Cela implique une assiduité des patients et le fait que leur soit signifiées leur place et leur non-interchangeabilité. Ces enjeux de continuité et de préservation d’une enveloppe qui s’est créée dans l’espace de rencontre entre les membres du groupe et qui préserve ce qui s’est déposé auparavant est un différenciateur d’autres pratiques.

L’oscillation entre créativité et destructivité

Toute médiation s’inscrit dans une oscillation entre créativité et destructivité. Dans une pratique à médiation le patient n’emporte généralement pas ce qu’il a créé à l’extérieur. L’enveloppe du groupe, et créée par le groupe, repose sur une règle qui consiste à dire que ce qui se dit et se fait dans le groupe reste dans le groupe. Il s’agit également de prescrire le fait que les objets qui sont créés dans le groupe y demeurent. Par conséquent, les créations restent à l’intérieur de la pièce où se passe l’atelier et il arrive que les patients ne les emmènent pas non plus après la fin de leur participation. Dans certains dispositifs, il est prévu que les productions par exemple celles qui sont faites en terre soient détruites après le départ du patient qui les a créé et qu’elles retournent ainsi à l’informe pour servir à d’autres patients.

Dans de nombreux cas, la créativité des patients ne deviendra » créatrice » qu’après de nombreux mouvement d’oscillation entre création et destruction. Dans ce cas les soignants ne sont pas nécessairement là pour éviter la destruction mais pour accompagner le mouvement et le contenir. C’est aussi parfois après que les patients aient pu détruire l’objet et donc qu’ils aient pu faire l’expérience de détruire symboliquement le cadre à travers leur objet, mais sans que les animateurs ne répondent par un changement dans le cadre ou par une quelconque rétorsion même interprétative, que le processus créateur pourra aller à son terme. La tolérance à la destructivité des patients et ce que Donald WINNICOTT nomme la survivance de l’objet constitue ainsi souvent le préalable incontournable à toute implication authentique au sein du dispositif. Il ne s’agit pas de rester sans rien faire mais de ne pas opposer de réaction rétorsive en parlant de ce qui se passe.

De ceci découle un troisième point essentiel. Ce n’est pas l’objet fini qui importe mais l’observation du processus de création de l’objet et la manière dont celui-ci est commenté, présenté et au final de quelle manière il incarne le processus psychique qui se déploie sous le regard d’un autre auquel il s’adresse.

Permettre au sujet d'intégrer son histoire

La médiation fait lien avec la culture qui est un processus de médiation entre la violence du chaos et le récit donné aux origines, entre la réalisation des désirs individuels et les exigences de la communauté de droit, entre les fantasmes et les énoncés communs et partagés sur l’origine, la causalité et la mort. Elle vise à créer un effet de langage qui ouvre sur le processus de symbolisation permettant au sujet d’intégrer son histoire et d’atteindre une position réflexive.

Ce qui fait médiation c’est l’accompagnement de l’expérience par l’écoute et par la parole du soignant : il faut donc également avoir une théorie du lien inter-subjectif.

La médiation s’offre comme alternative à la mise en scène « somatique » qui prend le corps comme objet externe pour la psyché sur lequel et dans lequel se décharge la tension pulsionnelle sans limite de la somatose. Elle s’offre comme alternative à la
logique de l’agir direct comme court-circuit de la pensée pour proposer une autre scène plus consistante et plus épaisse.

Les processus psychiques de la médiation

La médiation semble nécessairement liée à la verbalisation à partir des vécus et des ressentis. Cette verbalisation doit être l’expression de la réalité du vécu du patient et non pas une verbalisation calquée sur la projection du désir de l’autre. La médiation thérapeutique repose sur trois niveaux de tension qui s’avèrent indispensable à la mise en place d’un travail thérapeutique.

La médiation thérapeutique peut ainsi se comprendre comme une situation permettant l’actualisation des traces psychiques non-advenue et leur remise en Jeu par l’acte et dans le corps à travers la sollicitation de la sensorimotricité qui permet l’induction d’un transfert et donc la survenue d’une première présentation des traces mnésiques antérieures dans l’ici et le maintenant de la séance en vue de leur intégration dans la trame subjective.